Réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada

Stéphane Dion
Envoyé spécial du Premier Ministre auprès de l’Union européenne et de l’Europe et Ambassadeur du Canada en Allemagne
Rome, Italie

23 mars 2018

C’est un honneur pour moi d’être à Rome aujourd’hui à la Villa bellissimo Wolkonsky aux côtés de l’Envoyé spécial du Royaume-Uni pour le Changement climatique Nick Bridge. J’étais fière lorsque Claire Perry, ministre d’État britannique chargée du Changement climatique et de l’Industrie, et Catherine McKenna, ministre canadienne de l’Environnement et du Changement climatique, ont lancé, le 16 novembre 2017, la Powering Past Coal Alliance, où 27 gouvernements se sont engagés à éliminer progressivement leurs centrales au charbon. Pour moi, c’était le moment le plus fort de la COP 23, à Bonn. Alors que les membres de cette Alliance ne représentent qu’une petite part de la production et de la consommation mondiales de charbon, il s’agit d’une initiative très importante, car pour limiter le réchauffement à 2ºC, l’humanité devrait se sevrer du charbon traditionnel.

Le Canada a remarqué que le Royaume-Uni (Royaume-Uni) a publié sa Stratégie de croissance propre en octobre 2017, qui comprend une série de politiques visant à soutenir la capacité du Royaume-Uni à respecter ses engagements en matière de climat2 Je parlerai aujourd’hui des efforts similaires que nous déployons au Canada.

Aujourd’hui, je suis heureux de vous parler du défi auquel le Canada est confronté en termes de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES). En décembre 2016, le gouvernement a annoncé le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. 3 L’un des principaux objectifs de ce plan est de permettre au Canada d’atteindre l’objectif de réduction des gaz à effet de serre auquel il s’est engagé à Paris et même, si possible, de dépasser cet objectif et de réduire encore davantage les émissions de GES.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement du Canada publie un plan complet de réduction de ses émissions de GES. En 2005, il a annoncé le projet Green, un plan global sur le changement climatique. 4 (Divulgation complète : J’ai été ministre de l’Environnement du Canada de 2004 à 2006.) Ce plan n’a jamais été mis en œuvre dans les années qui ont suivi. Le Cadre pancanadien de 2016 ne devrait pas subir le même sort. Cette fois, le Canada doit réussir et le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre son plan climatique.

Le nouveau plan fait l’objet d’un consensus au Canada, mais ne recueille pas l’appui unanime. Notamment, le gouvernement du Canada s’efforce de trouver un terrain d’entente.

D’emblée, je tiens à souligner à quel point il est extrêmement important pour tous les pays, et pas seulement pour le Canada, d’atteindre leurs objectifs de réduction des GES fixés lors de la conférence de Paris du 12 décembre 2015. En fait, pour le bien de l’humanité et malgré l’opposition, il est impératif que le Canada, le Royaume—Uni, l’Italie — en fait, tous les pays – atteignent ou dépassent leurs objectifs de Paris.

En effet, selon le Rapport sur les écarts d’émissions 2017 de l’ONU Environnement, si tous les pays respectaient leurs engagements actuels de réduction des GES, tels qu’énoncés dans leurs Contributions déterminées au Niveau national (CDN) à la COP 21, à Paris, cela ne représenterait qu’un tiers des réductions nécessaires pour se mettre sur la voie de rester en dessous de 2ºC de réchauffement. 5 En fait, même si les Parties atteignent leurs premières CDN et maintiennent un niveau d’ambition similaire au-delà de 2030, le rapport du PNUE prévoit que le réchauffement climatique atteindrait 3ºC d’ici la fin du siècle. Cette estimation est cohérente avec d’autres recherches, y compris celle du Climate Action Tracker, qui estime que la conformité aux CDN existantes nous mettra sur la voie d’un réchauffement de 3,2 ºC d’ici 2100. 6

L’Accord de Paris n’en finit pas avec les objectifs actuels : chaque partie est obligée d’intensifier son ambition, pour que la lutte contre le changement climatique se renforce dans le temps et évite tout retour en arrière. L’Accord de Paris signale aux marchés que la transition vers une économie verte est inévitable.

Les estimations actuelles indiquent que de nombreux pays ne sont pas encore sur la bonne voie pour atteindre leurs objectifs. 7 Tous les pays doivent travailler en permanence à la réalisation puis au renforcement de leurs plans sur le changement climatique, et revoir leurs progrès à intervalles réguliers. Comme je l’expliquerai plus tard, dans son nouveau plan, le Canada a établi un processus pour rendre compte chaque année au Premier ministre et aux premiers ministres des provinces et des territoires de nos progrès, ce qui nous permet de faire le point régulièrement et d’envisager d’autres possibilités de réduire les émissions.

Aucun pays ne sera à l’abri des effets du changement climatique et certainement pas le Canada, dont la température moyenne a augmenté de 1,3 degré entre 1950 et 2010, soit près de deux fois plus vite que la moyenne mondiale. 8 Nous avons tous la responsabilité de travailler pour éviter les pires effets du changement climatique, notamment l’intensité croissante des événements météorologiques extrêmes, l’élévation du niveau des océans et l’acidification, l’extinction d’espèces animales et végétales, les pénuries d’eau et de nourriture et les dommages aux infrastructures et à l’habitat humain. En outre, la transition vers une croissance propre offre de nombreuses possibilités à tous les pays. Le Canada est déterminé à redoubler d’efforts pour respecter ses engagements en matière de changements climatiques.

Avant de discuter plus avant avec vous du nouveau plan climatique établi par le Canada, examinons le contexte canadien en ce qui concerne les émissions de GES.

Émissions de gaz à effet de serre au Canada

Le Canada ne représente que 1,6 % des émissions mondiales de GES, mais il est l’un des émetteurs les plus élevés par habitant, le troisième de l’OCDE. 9 En 2014, chaque Canadien en a émis en moyenne 20.5 par tonne d’équivalent CO2. Bien qu’il y ait moins d’une décennie, il est nettement supérieur à la moyenne de l’OCDE de 12,4. 10 Une série de facteurs ont été invoqués pour expliquer les émissions par habitant du Canada : le climat rigoureux; les grandes distances entre les villes dans un pays aussi grand que l’Europe mais avec une population de seulement 36 millions d’habitants; une croissance économique et démographique soutenue; une économie riche en ressources dont près du tiers est encore composé d’industries productrices de biens; une économie nord-américaine très étroitement intégrée, dans laquelle le Canada a de la difficulté à agir là où les États-Unis ont un impact très réel et direct.

Ceci étant dit, les trois quarts des Canadiens vivent en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique, trois provinces dont les niveaux d’émissions sont conformes à la moyenne de l’OCDE de 12,4 tonnes par habitant (voir l’annexe 1).

Les émissions varient considérablement d’un pays à l’autre en raison des sources d’énergie et de la structure économique. Les provinces canadiennes de l’industrie extractive de l’énergie ont des émissions par habitant considérablement plus élevées que la moyenne de l’OCDE. Une telle concentration géographique des émissions de GES, probablement unique au Canada, ne se retrouve pas dans trois autres fédérations comparables : ni les États-Unis, ni l’Allemagne, ni l’Australie. 11 De même, dans l’UE, les quatre plus grands États membres émettent presque le même nombre de tonnes par résident: l’Italie (7,0), la France (7,2), le Royaume-Uni (7,9) et l’Allemagne (11,1). 12

En 2015, les émissions totales de GES du Canada étaient de 18 % supérieures aux niveaux de 1990 et de 2,2 % inférieures aux niveaux de 2005, l’année de référence de la CDN du Canada. La croissance des émissions depuis 1990 s’est principalement produite au cours de la première décennie de cette période (voir annexe 2). Les émissions ont été relativement stables au cours de la première moitié des années 2000, ont diminué pendant la crise financière mondiale de 2008/09 et sont relativement stables depuis lors. Entre 2000 et 2014, elles ont diminué plus lentement (-1,5 %) que celles de l’ensemble de l’OCDE (-4,7 %). 13 L’intensité énergétique du Canada a diminué de 20 % entre 2000 et 2015, soit à peu près la même que celle de l’OCDE (22 %).

Comme le montre l’annexe 3, la plupart des Canadiens vivent dans des provinces où les émissions de GES ont diminué entre 2005 et 2015. Des augmentations substantielles n’ont eu lieu que dans les provinces où la production de pétrole, de gaz et de charbon était importante. Par exemple, l’Alberta représente 38 % des émissions nationales en 2015 et a vu ses émissions augmenter de 18 % entre 2005 et 2015, principalement en raison de l’expansion des activités pétrolières et gazières.

À l’annexe 4, nous voyons que dans trois secteurs de l’économie canadienne – bâtiments, agriculture, déchets & autres, les émissions de GES sont restées stables entre 2005 et 2015. Deux secteurs, l’électricité et l’industrie lourde, ont enregistré une diminution notable des émissions de GES. En particulier, les émissions liées à la production d’électricité ont été considérablement réduites, principalement en raison de l’élimination progressive de la production d’électricité au charbon en Ontario. La réglementation fédérale visant à éliminer progressivement la production d’électricité traditionnelle au charbon, actuellement en cours de modification pour accélérer son élimination d’ici 2030, réduira encore les émissions dans le secteur. Certaines industries à forte intensité énergétique sont devenues plus économes en énergie, en particulier le fer, l’acier, les pâtes et papiers. Cependant, cette hausse a été compensée par la croissance des émissions dans le secteur pétrolier et gazier et dans les transports intérieurs, qui ont produit respectivement 26 % et 24 % des émissions de GES du Canada en 2015.

Si le Canada est un gros émetteur par habitant, ce n’est pas en raison de son secteur de l’électricité, qui ne contribue qu’à 11 % des émissions nationales de GES, une part relativement faible. En fait, le bouquet électrique du Canada est l’un des moins gourmands en carbone de l’OCDE, avec 82 % de l’électricité provenant de sources non émettrices en 2015 – principalement de l’hydroélectricité (60 %) et du nucléaire (17 %) – contre 73 % en 2000. La part des énergies renouvelables (à l’exclusion de l’hydroélectricité) dans le secteur de la production d’électricité au Canada est en fait passée de 1 % à 6 %, entre 2000 et 2015, en raison de l’expansion du secteur éolien.

Examinons plus attentivement les deux principaux secteurs émetteurs : le pétrole et le gaz et les transports. Au cours des dernières décennies, le Canada a considérablement augmenté sa production de pétrole et de gaz, principalement pour l’exportation. En 2009, la production totale de pétrole brut et de gaz naturel était supérieure de 57 % à celle de 1990. De plus, l’augmentation de la production de pétrole provient de l’extraction des sables bitumineux (qui produit plus d’émissions de GES), alors que la production de pétrole conventionnel a atteint un sommet en 1998. 14 En 1990, l’industrie des sables bitumineux venait de démarrer. Aujourd’hui, il s’agit d’un secteur important pour l’économie canadienne; ” La production de pétrole a été principalement tirée par une augmentation rapide de l’extraction du bitume, un pétrole brut synthétique des sables bitumineux du Canada, où la production totale a augmenté de 140 % depuis 2005 “. 15

La contribution des transports aux émissions de GES du Canada est semblable à l’extraction de pétrole et de gaz et plus de deux fois plus que la production d’électricité. Les émissions de GES provenant des transports, par habitant, sont les troisièmes plus élevées de l’OCDE. 16 Ce n’est pas une surprise, car ” le Canada génère plus de transport de marchandises par route et par rail (mesuré en tonnes-kilomètres) par unité de PIB et par habitant que presque tous les autres pays de l’OCDE “. 17 L’implantation dispersée et la structure urbaine à faible densité du Canada dépendent fortement du transport, étant donné la nécessité de déplacer les personnes et les marchandises sur de vastes distances géographiques.

La croissance des émissions liée au secteur des transports n’est pas seulement le résultat de l’augmentation du nombre de véhicules et de kilomètres parcourus. Deux autres facteurs sont à l’œuvre. 18 Premièrement, de nombreux Canadiens, pour des raisons de confort et de sécurité, sont passés des voitures aux camionnettes et aux camions légers, qui sont moins économes en carburant. Cette préférence croissante pour les véhicules utilitaires sport et les camions est compréhensible dans un pays avec de longues distances de déplacement et des routes qui peuvent être très dangereuses en hiver. Cependant, cela a provoqué une augmentation supplémentaire des émissions de GES malgré la réglementation en place. L’autre facteur qui a poussé les émissions des transports à la hausse est l’augmentation des émissions des véhicules lourds à moteur diesel. La quantité de marchandises transportées par camions a fortement augmenté, principalement en raison du libre-échange avec les États-Unis, qui a débuté dans les années 1990 et a favorisé l’expédition des marchandises par camion plutôt que par train, car les lignes ferroviaires au Canada étaient construites d’est en ouest et non du nord au sud. 19

En bref, si le Canada est un important émetteur de GES par habitant, et si ses émissions ont augmenté de façon spectaculaire dans les années 1990 avant de se stabiliser depuis, c’est principalement en raison de deux facteurs : l’extraction du pétrole et du gaz et le transport. Le Canada devra réduire ses émissions dans ces secteurs et dans d’autres pour atteindre sa cible de 2030, notamment au moyen de mesures énoncées dans le Cadre pancanadien.

Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques

L’engagement du Canada est de réduire ses émissions de GES de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Nous avons vu (annexe 3) qu’en 2015, les émissions étaient inférieures de 2,2 % aux niveaux de 2005, soit une diminution de 16 mégatonnes (Mt). Pour atteindre l’objectif de réduction de 30 % pour 2030, une réduction annuelle moyenne de 1,7 % serait nécessaire. Selon l’OCDE, “c’est exigeant en termes de réduction de l’intensité des émissions”. 20 Les deux provinces les plus peuplées, l’Ontario et le Québec, ont annoncé un objectif de réduction plus serré que le plan fédéral : 37 % de réduction des GES d’ici 2030 par rapport à 1990.

Selon le scénario du statu quo – c’est–à-dire sans aucune mesure supplémentaire – les émissions annuelles de GES du Canada, qui étaient de 722 Mt en 2015, atteindraient 815 Mt en 2030, selon les projections du ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Canada. Pourtant, en réalité, l’objectif est de les réduire à 517 Mt d’ici 2030.

Jusqu’à il y a un peu plus d’un an, le Canada n’avait pas de stratégie ou de cadre pancanadien global pour atteindre cet objectif. La politique climatique a été menée en grande partie par les provinces. À la mi-2017, les quatre provinces les plus peuplées, représentant 86 % de la population canadienne et 81 % des émissions, avaient mis en place des régimes de tarification du carbone. La Colombie-Britannique a une taxe carbone neutre en revenus depuis 2008, actuellement de 35 dollars la tonne en 2018, et en augmentation de 5 dollars par année; Le Québec a un système de plafonnement et d’échange depuis 2013, lié à la Californie; L’Ontario a établi un système de plafonnement et d’échange en 2017 et, de concert avec la Californie et le Québec, a signé un accord liant leurs marchés du carbone; Le système de l’Alberta prévoit des objectifs d’intensité des émissions pour les principaux émetteurs, un plafond des émissions de GES de 100 millions de tonnes provenant des sables bitumineux, des échanges compensatoires et, pour les autres secteurs de l’économie, une large taxe sur le carbone de 30 dollars la tonne en 2018, assortie d’un rabais pour les ménages à revenu faible et moyen.

Le plan de l’Alberta en particulier est salué par l’OCDE: “Dans ce contexte difficile, la province est devenue l’une des premières économies basées sur les combustibles fossiles au monde à mettre en œuvre une tarification ambitieuse du carbone “. 21

Le Canada est une fédération décentralisée dont la Constitution confère aux provinces de vastes responsabilités, notamment en matière de politique environnementale, de politique énergétique et de gestion des ressources naturelles. De plus, la relation avec les peuples autochtones est un élément important du cadre institutionnel du Canada et revêt une importance particulière pour le gouvernement actuel du Canada. Pour être efficace, un plan de lutte contre les changements climatiques ne peut pas être seulement fédéral, provincial et territorial; il doit réunir tous les partenaires de la fédération.

Les discussions entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont abouti, en décembre 2016, au Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. 22 Le gouvernement fédéral et 12 des 13 provinces et territoires ont adopté ce Cadre pancanadien, qui établit non seulement le cadre de mise en œuvre des politiques d’émissions de GES pour atteindre ou dépasser une réduction de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, mais examine également les cibles respectives au fil du temps, afin d’obtenir des réductions plus substantielles, conformément à l’Accord de Paris.

Les initiatives fédérales couvrent l’essentiel: l’élimination progressive accélérée des centrales au charbon, une nouvelle norme pour l’utilisation des biocarburants, une réglementation stricte des émissions de polluants climatiques à courte durée de vie tels que le méthane, les hydrofluorocarbures et le carbone noir, des codes de construction prêts pour l’énergie zéro, un stockage accru du carbone dans les forêts et les terres agricoles, et d’importants investissements dans les technologies propres, l’économie à faible émission de carbone, les infrastructures vertes, le développement du transport en commun urbain, le déploiement de véhicules zéro émission et les initiatives d’adaptation.

Le Cadre pancanadien prévoit également la mise en place de systèmes de tarification du carbone à l’échelle du Canada, avec un point de référence établi par le gouvernement fédéral. Il donne aux provinces et aux territoires la souplesse nécessaire pour mettre en œuvre le type de système qui convient à leur situation – soit un système explicite fondé sur les prix (comme une taxe sur le carbone ou une taxe sur le carbone et un système d’émissions fondé sur le rendement), soit un système de plafonnement et d’échange. Dans le cadre de l’indice de référence, le gouvernement fédéral s’est également engagé à mettre en œuvre un filet de sécurité fédéral sur la tarification du carbone qui s’appliquera dans toute province ou territoire qui en fait la demande ou qui n’a pas de système de tarification du carbone en place en 2018 qui respecte l’indice de référence. Pour les systèmes explicites basés sur les prix, le prix minimum commence à 10//tonne en 2018, passant de 10 $/année à 50tonne/tonne en 2022. En janvier, les ministres de l’Environnement et des Finances du Canada ont publié des propositions législatives préliminaires relatives au système fédéral de tarification du carbone proposé aux fins de commentaires du public. 23

Sur la scène internationale, le Canada s’est engagé à fournir 2,65 milliards de dollars pour soutenir les pays les plus pauvres et les plus vulnérables et a joué un rôle positif dans la conclusion de l’Accord de Paris. Le Canada a lancé la Powering Past Coal Alliance et participe activement à la Coalition pour le climat et la qualité de l’Air, au Groupe d’experts du Conseil Artic sur le carbone noir et le méthane, à l’Initiative mondiale sur le méthane et à la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone. ” Travailler ensemble sur les changements climatiques, les océans et l’énergie propre ” figure parmi les cinq thèmes du Sommet du G7 2018, qui se tiendra sous la présidence du Canada, en juin, à Charlevoix, au Québec.

L’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne comprend un chapitre sur le commerce et l’environnement. L’AECG soutiendra l’UE et le Canada dans leurs efforts visant à rassembler leur capacité d’innovation et à promouvoir et diffuser leurs innovations environnementales et leurs meilleures pratiques pour lutter contre le changement climatique.

Avec les mesures spécifiques du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, le gouvernement fédéral prévoit que les émissions devraient être réduites à 583 Mt d’ici 2030. Il faudra donc trouver 66 Mt de réductions supplémentaires pour atteindre l’objectif de Paris de 517 Mt (voir Annexe 5). À cette fin, le gouvernement fédéral prévoit de mettre en œuvre des mesures supplémentaires avec les provinces dans les domaines des technologies propres, du transport en commun, de l’innovation et de la séquestration du carbone. Les projections actuelles n’incluent pas les nouvelles mesures possibles prises par les gouvernements canadiens d’ici 2030.

Pour moi, ce cadre national sur le climat est très attendu. Mais comme je suis ambassadeur et Envoyé spécial du Canada, je peux être suspecté de partialité. Alors, considérez plutôt l’examen complet de ce plan par l’OCDE. Il la présente comme ” une stratégie bien réfléchie “24 et estime que ” le gouvernement fédéral élu en 2015 a établi des objectifs environnementaux ambitieux et insufflé un nouvel élan “. 25

L’OCDE souligne que ” la mise en place d’une tarification pancanadienne, un pilier clé du cadre, sera essentielle “. 26 Notant que la tarification du carbone s’appliquerait à entre 70 et 80 % des émissions totales, l’OCDE observe qu'”il s’agit d’une part plus élevée que dans le cadre du Système d’échange de droits d’émission de l’Union européenne, par exemple “. 27

À un moment où l’administration américaine a non seulement l’intention de se retirer de l’Accord de Paris, mais aussi de mettre fin au Plan américain pour l’énergie propre, certains prétendent qu’aller de l’avant avec le Cadre pancanadien nuirait à l’économie canadienne. Mais l’OCDE voit dans ce cadre une occasion de renforcer l’économie canadienne: ” La tarification du carbone et les nouvelles politiques d’approvisionnement contribueront à stimuler la demande d’éco-innovations au Canada, tandis qu’un nouvel accent mis sur l’investissement public dans la recherche et le développement (R& D) et les compétences devrait contribuer à accroître l’offre “. 28 L’augmentation de la tarification du carbone, les technologies propres et les investissements majeurs dans les infrastructures sont des signaux importants qui “promettent de stimuler l’innovation et la demande intérieure de produits et de services environnementaux plus propres”. 29

L’annonce bien à l’avance que le prix passera à 50 dollars en 2022 fournira une certitude aux investisseurs et aux promoteurs de projets: “Peu de pays ont encore franchi une telle étape “. 30 La tarification du carbone est une politique économique précieuse, d’autant plus qu’à l’heure actuelle, les recettes provenant des taxes liées à l’environnement ne représentent que 1,1 % du PIB, soit la troisième part la plus faible de l’OCDE. 31 De même, les investissements dans R&D et les technologies propres doivent inverser une tendance où ” la part du Canada sur le marché mondial des technologies propres a diminué de 2,2 % à 1.3 % par rapport à 2005-2014 ” 32 et une situation où ” la part de R&D liés à l’énergie soutenant les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique est parmi les plus faibles de l’OCDE (…) Par habitant, le Canada dépose beaucoup moins de brevets verts que les principaux pays membres de l’OCDE “. 33

De plus, grâce à ce plan, le Canada sera dans une meilleure situation pour tirer parti de certaines de ses forces économiques. Par exemple, le pays est en train de devenir un chef de file dans les projets pilotes de capture et de stockage du carbone à grande échelle, accueillant deux des premières installations à grande échelle au monde – le projet Quest en Alberta et la centrale électrique de Boundary Dam en Saskatchewan – cette dernière étant la première application commerciale de capture du carbone dans une centrale au charbon.

Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques est vraiment, comme son titre l’indique, une question de climat, mais aussi de croissance propre.

Conclusion

S’efforçant de réduire ses émissions de GES, le Canada peut légitimement invoquer des circonstances atténuantes : climat froid, grandes distances, forte croissance économique et démographique, extraction intensive des ressources naturelles et des hydrocarbures, intégration économique profonde avec les États-Unis et concentration géographique très exceptionnelle des émissions. Tout le monde peut comprendre qu’un camion de transport transportant une lourde charge de Halifax à Vancouver émettra évidemment beaucoup plus d’émissions de GES qu’un camion voyageant de Milan à Naples. Cependant, le Canada a mis en place un plan de croissance propre et de climat qui réduira les émissions, malgré sa situation nationale.

Le monde s’attend à ce que tous les pays développés réduisent considérablement leurs émissions, non seulement en intensité relative, mais également en termes absolus. Si ce n’est pas le cas, on ne peut pas s’attendre à ce que les pays émergents et en développement fassent leur part. Ensuite, une augmentation de 2 °C serait atteinte, entraînant de graves conséquences pour tous les pays, y compris le Canada, dont l’environnement naturel est particulièrement vulnérable aux perturbations climatiques.

Nous ne pouvons pas laisser de telles conséquences se dérouler. L’humanité doit être protégée contre les dangers d’un réchauffement de la planète à 2ºC ou plus. Le Canada fera sa part en agissant dans le monde et avec le monde. Le Canada s’est donné un plan : Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Ce plan est en cours de mise en œuvre et des progrès substantiels ont été réalisés au cours de la première année, y compris de nouveaux outils, programmes, règlements et fonds pour atteindre notre objectif climatique de 2030. Le Canada doit honorer ou dépasser son engagement de Paris et, ce faisant, doit inventer, mettre en œuvre et exporter des solutions de développement durable partout dans le monde. Le Canada doit réussir.

1 Environnement et changement climatique Canada, le Canada et le Royaume-Uni lancent une alliance mondiale pour l’élimination progressive de l’électricité au charbon, 16 novembre 2017, https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/news/2017/11/canada_calls_foraglobalalliancetophaseoutcoalelectricity.html.

2 Ministère britannique des Affaires, Énergie & Stratégie industrielle, Document d’orientation: Stratégie de croissance propre, 12 octobre 2017, https://www.gov.uk/government/publications/clean-growth-strategy.

3 Gouvernement du Canada, Environnement et Changement climatique Canada. Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques : Le plan du Canada pour faire face aux changements climatiques, 2016, 978-0-660-07024-7, https://www.canada.ca/en/services/environment/weather/climatechange/pan-canadian-framework/climate-change-plan.html.

4 Gouvernement du Canada, Aller de l’avant sur les changements climatiques : Un Plan pour Honorer notre Engagement de Kyoto, 2005, http://webarchive.bac-lac.gc.ca:8080/wayback/20060202163923/http:/www.climatechange.gc.ca/kyoto_commitments/report_e.pdf.

5 PNUE (2017). Le Rapport sur les écarts d’émissions 2017. Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Nairobi, https://www.unenvironment.org/resources/emissions-gap-report.

6 Partenaires de Suivi de l’Action Climatique. Projections de réchauffement du CHAT: Mise à jour mondiale 2017, Suivi de l’action climatique. 2017, http://climateactiontracker.org/.

7 Partenaires de Suivi de l’Action Climatique. Pays de notation, Suivi de l’Action climatique. 2017, http://climateactiontracker.org/ pays.HTML.

8 OCDE (2017), OECD Environmental Performance Reviews: Canada 2017, Éditions de l’OCDE, Paris.http://dx.doi.org/10.1787/9789264279612-en, pg. 64.

9 Ibid.

10 Ibid., pg. 159.

11 James K. Boyce et Riddle, Matthew E., Cap and Dividend: A State-by-State Analysis, Institut de recherche en économie politique, Université du Massachusetts, Amherst & Economics for Equity and the Environment Network, août 2009, https://www.peri.umass.edu/fileadmin/pdf/other_publication_types/green_economics/CapDividend_PERI.PDF”> Macdonald, Douglas et al., Allocating Canadian Greenhouse Gas Emission Reductions Among Sources and Provinces: Learning from the European Union, Australia and Germany, Université de Toronto, avril 2013, https://www.researchgate.net/profile/David_Gordon18/publication/271850017_Allocating_Canadian_Greenhouse_Gas_Emissions_Reductions_Amongst_Sources_and_Provinces_Learning_from_the_European_Union_Australia_and_Germany/links/54d4e0c30cf25013d02a1536/Allocating-Canadian-Greenhouse-Gas-Emissions-Reductions-Amongst-Sources-and-Provinces-Learning-from-the-European-Union-Australia-and-Germany.pdf, p. 30, 59.

12 OCDE, Émissions de gaz à effet de serre, OCDE,

https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=AIR_GHG.

13 OCDE (2017), OECD Environmental Performance Reviews: Canada 2017, Éditions de l’OCDE, Paris.

http://dx.doi.org/10.1787/9789264279612-en, pg. 62.

14 Environnement Canada, Rapport d’inventaire national : Sources et puits de gaz à effet de serre au Canada 1990-2009, Soumission du gouvernement canadien à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 2011, http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/ec/En81-4-2009-1-eng.pdf, http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/ec/En81-4-2009-2-eng.pdf, http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/ec/En81-4-2009-3-eng.pdf.

15 Gouvernement du Canada, Environnement et Changement climatique Canada, Septième Communication nationale du Canada sur les changements climatiques et Troisième Rapport biennal — Mesures visant à respecter les engagements pris en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 2017, http://unfccc.int/files/national_reports/national_communications_and_biennial_reports/application/pdf/82051493_canada-nc7-br3-1-5108_eccc_can7thncomm3rdbi-report_en_04_web.pdf, p. 39.

16 OCDE (2017), OECD Environmental Performance Reviews: Canada 2017, Éditions de l’OCDE, Paris.

http://dx.doi.org/10.1787/9789264279612-en, pg. 61.

17 Ibid., 180.

18 Gouvernement du Canada, Environnement et Changement climatique Canada, Septième Communication nationale du Canada sur les changements climatiques et Troisième Rapport biennal — Mesures visant à respecter les engagements pris en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 2017, http://unfccc.int/files/national_reports/national_communications_and_biennial_reports/application/pdf/82051493_canada-nc7-br3-1-5108_eccc_can7thncomm3rdbi-report_en_04_web.pdf, p. 22.

19 Environnement Canada, Rapport d’inventaire national : Sources et puits de gaz à effet de serre au Canada 1990-2009, Soumission du Gouvernement canadien à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 2011, http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/ec/En81-4-2009-1-eng.pdf, http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/ec/En81-4-2009-2-eng.pdf, http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/ec/En81-4-2009-3-eng.pdf.

20 OCDE (2017), OECD Environmental Performance Reviews: Canada 2017, Éditions de l’OCDE, Paris.

http://dx.doi.org/10.1787/9789264279612-en, pg. 20.

21 Ibid., pg. 139.

22 Gouvernement du Canada, Environnement et Changement climatique Canada. Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques : Le plan du Canada pour faire face aux changements climatiques, 2016, 978-0-660-07024-7, https://www.canada.ca/en/services/environment/weather/climatechange/pan-canadian-framework/climate-change-plan.html.

23 Gouvernement du Canada, Environnement et Changement climatique Canada. Annexe I: Investissements fédéraux et mesures pour soutenir la transition vers une économie sobre en carbone, 2016, 978-0-660-07024-7, https://www.canada.ca/en/services/environment/weather/climatechange/pan-canadian-framework/annex-federal-investments-measures.html.

24 OCDE (2017), Études de Performance environnementale de l’OCDE : Canada 2017, Éditions de l’OCDE, Paris,

http://dx.doi.org/10.1787/9789264279612-en, pg. 38.

25 Ibid., 20.

26 Ibid., 22.

27 Ibid., 39.

28 Ibid., 133.

29 Ibid., 15.

30 Ibid., 39.

31 Ibid., 31.

32 Ibid., 133.

33 Ibid., 33.

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Date de modification : 2019-11-01

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