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Le fait que le système humanitaire international ne fournit pas la qualité de l’aide qu’il est censé fournir nous pousse tous à regarder ce qui doit changer. Cet article se concentre sur ce que les donateurs peuvent faire pour améliorer la qualité de l’aide humanitaire. Les donateurs jouent divers rôles au sein de la chaîne de responsabilité. Premièrement, il y a responsabilité envers les donateurs : les organismes bénéficiaires doivent rendre compte aux donateurs de la façon dont les fonds reçus sont dépensés. Cela donne aux donateurs la possibilité d’insister pour qu’une aide de qualité soit fournie avec les fonds fournis. Deuxièmement, il y a la responsabilité par l’intermédiaire des donateurs: la pression collective que les donateurs peuvent exercer sur d’autres parties prenantes, telles que les gouvernements nationaux et les agences des Nations Unies. Enfin, il y a la responsabilité des donateurs: des initiatives qui examinent la qualité et la responsabilité au sein des organisations de donateurs elles-mêmes.

Les donateurs sont un maillon clé de la chaîne de responsabilité, et les parties prenantes s’attendent à ce que les représentants des donateurs veillent à ce que des mesures soient prises lorsque le système humanitaire ne fonctionne pas bien. Cependant, la plupart des organismes donateurs font partie des ministères des Affaires étrangères de leur gouvernement, de sorte qu’ils ne peuvent exercer de pression sur les gouvernements bénéficiaires que si cela est conforme aux priorités de politique étrangère de leur propre gouvernement. Par conséquent, il est important d’examiner de plus près ce que les donateurs peuvent et ne peuvent pas influencer – et quels outils ils ont à leur disposition pour améliorer la responsabilité et la qualité de l’aide humanitaire. Cet article reprend l’exemple de la DG ECHO, le Département de l’Aide Humanitaire et de la Protection civile de la Commission européenne, actuellement le plus grand donateur humanitaire au monde, représentant environ 40% des dépenses humanitaires totales en 2010.

Responsabilité envers les donateurs

ECHO exige que tous les partenaires potentiels signent un Accord-cadre de partenariat, qui les engage à respecter des normes minimales dans leurs procédures internes et leurs programmes avant de pouvoir demander un financement. Bien que cette exigence garantisse l’exclusion des nombreuses agences nouvelles et inexpérimentées qui se présentent souvent lors de crises de grande envergure, elle risque de créer un “cartel” où seules quelques organisations y ont accès et où les nouveaux arrivants ont du mal à y entrer.

Les donateurs peuvent influencer le respect par les partenaires des normes et des mécanismes de responsabilisation aux différentes étapes du cycle de financement – évaluation des propositions, suivi, rapports financiers et narratifs et évaluation. Lors de l’évaluation des propositions, les critères doivent inclure les éléments suivants:

  • Les outils utilisés pour l’évaluation des besoins et la planification des projets sont appropriés.
  • Un budget transparent et rentable est fourni.
  • Des dispositions sont prises pour un suivi qualitatif et une évaluation indépendante.
  • Il existe un engagement à appliquer des normes convenues, telles que Sphère.

Le suivi des projets financés par les donateurs est un autre moyen d’améliorer la qualité et la responsabilisation. ECHO a une présence sur le terrain plus importante que tout autre donateur humanitaire, ce qui lui permet de suivre systématiquement tous les projets qu’il finance. En effet, le personnel d’ECHO est tenu responsable si un projet n’a pas fait l’objet d’un suivi ou si la visite de suivi n’a pas été documentée. Grâce à ces visites de suivi, le personnel d’ECHO s’assure que les normes fixées au stade de la proposition sont respectées et offre une assistance technique pour soutenir d’autres éléments d’une bonne gestion de la qualité, par exemple des recommandations sur l’amélioration des systèmes de suivi grâce à de meilleurs indicateurs de qualité et aide à la conception d’une évaluation après action. De plus en plus, ECHO partage cette capacité de suivi avec d’autres agences donatrices, en particulier dans le cadre de projets multidonateurs. Il devient peu à peu une bonne pratique de partager des rapports de suivi entre collègues donateurs et d’organiser des visites conjointes de donateurs, ce qui contribue à réduire la charge pesant sur les agences partenaires.

Le suivi par les pairs par les organismes bénéficiaires est également un outil utile pour améliorer l’apprentissage interinstitutions. Les visites de suivi par les pairs d’ECHO au Libéria en 2007 et au Darfour en 2009 ont montré que cette approche a un grand potentiel d’ajout de valeur car elle va bien au-delà du partage habituel d’informations sur les activités lors des réunions de coordination. Par exemple, au lieu de se dire combien de puits ils ont creusés, les organismes participants ont des discussions approfondies sur ces questions ainsi que sur les diamètres et les moyens d’encourager la participation communautaire à la construction. Ainsi, une visite de suivi devient une véritable source d’apprentissage commun et d’amélioration collective de la qualité.

Le reporting, en particulier le reporting financier, est un mécanisme standard d’application de la responsabilité, car un manque d’informations ou d’analyses – ou des doutes à ce sujet – peut entraîner un audit externe et des conséquences juridiques potentielles, y compris ECHO demandant le remboursement des fonds ou demandant à l’unité d’enquête sur les fraudes de la CE de prendre des mesures formelles. En conséquence, les partenaires eux-mêmes veillent normalement à ce que des rapports de bonne qualité soient soumis à temps. Enfin, ECHO utilise des évaluations externes, commandées soit par ECHO lui-même, soit par des partenaires utilisant des fonds ECHO. Ceux-ci peuvent être révélateurs, à la fois pour le partenaire d’exécution et pour le donateur, et peuvent conduire à un apprentissage institutionnel des deux côtés.

Avoir du personnel de terrain qualifié et expérimenté est la clé de l’approche d’ECHO consistant à fournir une “supervision de soutien” à ses partenaires. Le personnel de terrain d’ECHO est impliqué depuis de nombreuses années dans la mise en œuvre du travail d’aide humanitaire. Lorsque le personnel des donateurs manque de crédibilité sur le terrain ou de temps et de ressources pour visiter régulièrement les projets financés, la capacité des donateurs à renforcer la qualité et la responsabilité est considérablement affaiblie. L’accent mis exclusivement sur la réduction des coûts d’administration des donateurs (y compris les ressources pour le suivi) peut donc avoir une incidence négative sur la qualité et l’impact.

L’efficacité de tous les mécanismes de contrôle de la qualité discutés jusqu’à présent – à l’exception des exigences en matière d’information financière – dépend presque entièrement de la bonne volonté et des procédures internes des partenaires.

Responsabilité par l’intermédiaire des donateurs

Les donateurs sont souvent invités à user de leur influence collective pour persuader les gouvernements nationaux d’adopter ou d’éviter des politiques ou des plans d’action particuliers. Un exemple récent est une lettre de cinq des principaux donateurs bilatéraux aux responsables des Nations Unies appelant à un “cadre de responsabilité approprié du pilier de leadership de la réforme humanitaire” et soulignant que “nous partageons tous la responsabilité d’améliorer le système international de réponse humanitaire”.

Les ONG estiment que les donateurs humanitaires ont la responsabilité d’utiliser cet effet de levier. Cependant, la politique d’ECHO, qui exige le strict respect des principes humanitaires, y compris le maintien d’une certaine distance avec les gouvernements nationaux, signifie qu’elle utilise cette approche avec parcimonie. Au sein du système de l’UE, les délégations de l’UE ont d’abord et avant tout le mandat de négocier avec les gouvernements, et de nombreux autres pays donateurs estiment que leurs ambassades ou leurs représentants politiques dans leurs capitales sont souvent mieux placés que les acteurs humanitaires pour exercer un levier politique.

L’effet de levier des donateurs peut également être utilisé pour résoudre les problèmes à l’échelle du système. Un exemple récent est les efforts du groupe de donateurs de la République démocratique du Congo (RDC) pour améliorer les rapports collectifs par rapport au Plan d’action humanitaire annuel. Cette initiative vise à améliorer les rapports conjoints sur des indicateurs communs afin d’avoir un aperçu de ce que la communauté humanitaire en RDC a collectivement réalisé avec un financement annuel de plus de 500 millions de dollars. En tant que parties prenantes importantes de l’Équipe de pays humanitaire d’un pays, les donateurs peuvent demander une responsabilisation collective accrue et de meilleurs résultats. Malgré ces exemples positifs individuels, les donneurs ne sont toujours pas en train de peser. Les donateurs doivent harmoniser davantage leurs normes et leurs approches afin d’utiliser plus efficacement leur effet de levier.

Responsabilité des donateurs

Alors que les agences individuelles doivent se concentrer sur la satisfaction des besoins des bénéficiaires au coût le plus bas possible (c’est-à-dire être efficaces), les donateurs ont l’obligation de s’assurer qu’ils obtiennent le plus d’impact possible avec les fonds dont ils disposent (c’est-à-dire être efficaces). Cela signifie non seulement sélectionner les meilleurs projets, mais aussi s’assurer que les propositions répondent aux zones et aux populations ayant les plus grands besoins. Le financement des opérations de deuxième ou de troisième priorité peut réduire l’efficacité car les ressources ne sont alors pas disponibles pour les personnes les plus gravement touchées. Par conséquent, les donateurs doivent utiliser tous les moyens à leur disposition pour s’assurer qu’ils disposent de suffisamment de données et d’informations pour prendre des décisions éclairées sur l’endroit et la façon d’allouer les fonds.

Les donateurs sont responsables envers eux-mêmes, par le biais de l’autorégulation, et envers les acteurs extérieurs, y compris les agences non opérationnelles, les gouvernements hôtes, les contribuables et les médias. Les critiques ouvertes du comportement des donateurs au sein du système d’aide sont très rares, car peu de bénéficiaires de subventions sont prêts à mordre la main qui les nourrit. Le processus d’évaluation par les pairs du Comité d’aide au développement (CAD) et l’Indice de réponse humanitaire (IRH) mis au point par le DARA en 2007 ont contribué à résoudre ce problème. L’objectif principal de l’IRH est de “fournir un retour d’information aux responsables de l’élaboration des politiques humanitaires sur la façon dont leurs efforts sont vus du sol”’+ DARA, Indice de réponse humanitaire 2010, disponible à http://daraint.org/wp-content/uploads/2010/10/Folleto-HRI-2010-INGLES.pdf.

Les donateurs ont également tenté de se réglementer par le biais de l’initiative Good Humanitarian Donorship (GHD), dans le cadre de laquelle ils ont adopté un ensemble de normes et de principes opérationnels. Malgré quelques progrès, les recherches menées par le Humanitarian Policy Group (HPG) en 2007 ont révélé que “les efforts de mise en œuvre n’ont pas été suffisamment significatifs ou systématiques pour stimuler des changements généralisés dans le comportement des donateurs”.+ Sue Graves et Victoria Wheeler, Good Humanitarian Donorship: Overcoming Obstacles to Improved Collective Donor Performance, Document de travail de HPG, décembre 2006. Seul un cadre de suivi très faible a été mis en place, et l’adhésion cohérente aux principes reste un défi pour le personnel des donateurs. Pour garantir la qualité et la responsabilité, les donateurs doivent mettre en place des systèmes qui récompensent les opérations à fort impact, sanctionnent la mauvaise qualité et établissent un lien entre la mesure de l’impact d’une opération financée et la manière dont le personnel des donateurs en charge de cette subvention a supervisé la mise en œuvre. Il y a cependant un problème d’attribution car les opérations à fort impact dépendent de nombreux facteurs indépendants de la volonté du donateur et de son personnel. La plupart des cadres de performance utilisés par ECHO se concentrent sur la qualité du travail des partenaires, et non sur celui d’ECHO.

Le rôle des acteurs extérieurs

Les organismes donateurs font partie des administrations gouvernementales qui sont contrôlées par les législatures de leurs pays. Cependant, très peu de politiciens ont une idée claire du fonctionnement de l’industrie de l’aide, et le grand public non plus. Au cours des récentes crises très médiatisées, les reportages des médias se sont de plus en plus concentrés sur ce qui n’a pas fonctionné plutôt que sur ce qui a bien fonctionné. L’attention des médias sur les opérations d’aide, en particulier dans les crises très visibles, est un facteur croissant qui influence la responsabilité des donateurs, pour le meilleur ou pour le pire. De plus en plus, les décideurs au sein d’une institution donatrice sont sous pression pour faire quelque chose, ce qui peut conduire à des actions très visibles qui n’ont pas nécessairement le plus grand impact.

Les médias sont la source d’information la plus probable pour les citoyens ordinaires sur la performance de l’aide humanitaire. Utiliser les médias pour mieux faire accepter l’effort humanitaire par les contribuables et sensibiliser à la complexité de la fourniture d’une aide humanitaire de haute qualité est donc une tâche importante. Les enquêtes d’opinion menées régulièrement par ECHO montrent que l’acceptation du public ne doit pas être considérée comme acquise et pourrait bien diminuer au vu des problèmes actuels auxquels sont confrontées les économies européennes.+ Eurobaromètre, Aide humanitaire 2010, disponible à http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_343_sum_en.pdf.

Conclusion

Il est clair que les donateurs occupent une position clé dans la chaîne de responsabilité. Ils peuvent insister pour que les agences d’exécution visent des performances de haute qualité, faire pression au niveau politique pour l’espace humanitaire, rappeler aux gouvernements nationaux leur responsabilité de protéger leurs citoyens et faire pression pour une meilleure responsabilisation au sein du système humanitaire dans son ensemble. Et ils doivent eux-mêmes être tenus responsables. Il incombe trop souvent au personnel des donateurs de placer la qualité et la responsabilité au cœur de leur travail, y compris leur propre performance personnelle. Un examen complet des principes du GHD, par exemple à l’occasion de leur dixième anniversaire prochain, pourrait résoudre ce problème.

Les donateurs doivent trouver des moyens d’utiliser leur levier de manière judicieuse et responsable. Le laisser-faire, ou pire encore l’octroi de fonds pour améliorer l’image d’un donateur ou obtenir l’approbation du public, rend les donateurs complices de la sous-performance à l’échelle du système. Les donateurs peuvent et doivent utiliser leur potentiel collectif pour faire pression en faveur d’un changement plus rapide et de meilleures performances. S’ils doivent être à l’écoute de leurs partenaires avant d’allouer des fonds, en leur permettant autant d’indépendance opérationnelle que possible, les donateurs doivent exercer autant de contrôle de qualité que nécessaire pour assurer l’utilisation la plus efficace des fonds pour ceux qui ont le plus besoin d’aide humanitaire.

Corinna Kreidler est responsable du bureau ECHO en République démocratique du Congo (RDC). Elle écrit ici à titre personnel.

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